Ce billet fait partie d’une série d’articles portant sur la très intéressante et stimulante thématique de « l’interactivité et l’efficacité en classe ». Ceux et celles qui s’intéressent de près au développement technopédagogique de notre milieu savent que plusieurs actions de notre plan TIC institutionnel portent sur l’expérimentation de divers outils en classe et l’optimisation de leur utilisation.
Cette fois, nous avons la chance d’aller sur le terrain avec Nicole Lanctôt, enseignante en soins infirmiers. Elle vous partage sa pratique dans l’utilisation du tableau numérique interactif en classe.
Note terminologique : lorsque les tableaux interactifs sont apparus dans nos établissements d’enseignement, on les nommait des tableaux blancs interactifs (TBI). L’appellation s’est graduellement transformée pour qu’elle représente mieux les caractéristiques de cet équipement. On les appelle dorénavant des tableaux numériques interactifs (TNI).
Huguette Dupont (HD) : Nicole, peux-tu nous dire ce qu’est un tableau numérique interactif (TNI)?
Nicole Lanctôt (NL) : C’est comme si l’on jumelait ensemble l’ordinateur, l’écran de projection et le tableau blanc en une seule surface de travail. Je n’ai pas à me promener d’un outil à l’autre, tout est là. Sa grande particularité, c’est que je peux tout faire ce que je ferais à l’ordinateur cachée derrière le bureau, mais je le fais directement devant la classe avec aisance. Moi qui aime enseigner toujours debout et être en contact avec mes étudiants, c’est un prolongement naturel de mes habitudes d’enseignante tout en étant plus efficace.
HD : Depuis quand utilises-tu un TNI en classe?
NL : J’ai commencé à l’utiliser il y a environ quatre ans. Depuis, je l’utilise très régulièrement, en particulier pour mon cours d’automne de « Profession infirmière ».
HD : Qu’est-ce qui t’a incité à expérimenter cette technologie?
NL : J’avais remarqué leur présence dans les locaux du cégep et j’étais curieuse. Je regardais aussi les grands écrans tactiles utilisés aux nouvelles à la télévision et j’avais envie d’en avoir un dans ma classe. Puis un jour, lors d’un congrès de l’AEESICQ, des représentants de TNI ont fait des présentations de cette technologie. Des éditeurs nous ont aussi présenté en nouveauté les livres numériques de notre discipline. Je me suis dit « O-ho, O-ho », j’ai tout de suite pensé à l’interactivité dans ma classe. J’ai vu le potentiel qui s’appliquait à mes cours, à mes groupes et à mon horaire.
HD : Quels besoins ou quelles problématiques pédagogiques souhaitais-tu combler ou résoudre avec cet outil?
NL : Mon cours d’automne est très long (5 périodes, 4 heures et demie). J’avais besoin de varier mes stratégies et de trouver de nouveaux moyens pour les faire bouger. Sinon, deux blocs de cours magistral de 2h, les étudiants trouvent ça éternel, c’est trop long. Pour moi, c’est un outil qui sert à dynamiser ma classe, une autre stratégie pour maintenir l’attention.
HD : Est-ce que l’intégration du TNI dans tes cours s’est avérée concluante? Y vois-tu une réelle valeur ajoutée?
NL : Quand j’utilise le TNI avec mes étudiants, je vois qu’ils sont intéressés, qu’ils suivent davantage et que ça maintient leur attention. Au début, j’ai testé pour voir la différence. J’ai donné mon cours comme d’habitude sans TNI avec un groupe et avec TNI avec un autre groupe. Les étudiants sont beaucoup plus attentifs quand j’entrecoupe mon discours avec des périodes où je les invite à venir faire une activité au TNI.
[À titre d’exemple d’activité au TNI, visionnez cette capsule vidéo d’un groupe d’étudiantes de Nicole qui classent les éléments théoriques en lien avec les aspects légaux de la profession infirmière.]
Aussi, certaines manipulations se font plus facilement au TNI qu’avec la souris de l’ordinateur. Par exemple, quand on veut écrire à la main, dessiner, tracer et déplacer les objets ou placer des éléments avec précision. C’est aussi plus facile d’annoter et marquer nos livres électroniques pour surligner, encercler ou ajouter des notes. On a aussi plus d’options avec le TNI qu’avec le tableau blanc traditionnel avec des stylos-feutres, puisqu’on peut déplacer des éléments, utiliser un nombre infini de tableaux sans avoir à effacer, conserver facilement ce que nous avons réalisé ensemble et le réutiliser plus tard.
Je garde toujours mon TNI prêt à être utilisé en tout temps. Je veux pouvoir m’en servir dès qu’un besoin se fait sentir et c’est important pour moi que ma classe soit interactive. J’aime pouvoir passer rapidement d’un outil et d’une ressource à l’autre (documents, sites web, logiciels, tableau) et créer des activités sur le champ en fonction des questions des étudiants. Je leur envoie parfois le fruit de notre travail, qu’ils peuvent intégrer dans les notes qu’ils prennent en classe avec leur appareil personnel.
HD : Qu’est-ce que tes étudiants pensent de l’utilisation du TNI en classe?
NL : En général, les étudiants aiment beaucoup utiliser le TNI. Évidemment, il y en a quelques-uns qui apprécient moins et qui disent qu’ils ne sont pas bons ou qu’ils ont peur de briser quelque chose. Certains n’aimeront jamais ça, entre autres à cause du principe d’aller en avant. C’est parfois intimidant au début, mais ça dure quelques semaines et ils finissent par s’y faire. La clientèle adulte résiste davantage, mais pour ceux qui arrivent du secondaire, ils me disent « wow cool, une autre bébelle, c’est hot au Cégep de Granby », et c’est la même réaction quand j’utilise le télévoteur ou quand j’ai apporté en classe un charriot de portables.
En fin de session, certains étudiants me demandent si leurs cours de la prochaine session se feront dans une classe munie d’un TNI. Je reçois beaucoup de commentaires positifs : « le cours est hot parce qu’on fait plein d’affaires ». Évidemment, ce n’est pas juste à cause du TNI, puisque j’utilise une multitude de stratégies et d’outils, comme les télévoteurs (il faut dire aussi que je me costume, ce qui n’a rien de techno). N’importe quelle nouvelle technologie attire plusieurs d’entre eux, mais pour en exploiter le plein potentiel il ne faut pas hésiter à leur remettre ces outils entre les mains. Quand ils voient qu’ils peuvent les utiliser, ça leur donne de la confiance et ils voient qu’ils contribuent au succès du cours, que ce cours leur appartient. Je leur remets un peu la responsabilité du processus dynamique de la classe. Je demande parfois à mes étudiants de préparer des leçons et de faire un enseignement au TNI avec notre livre numérique. C’est plus vivant, ils prennent possession du devant de la classe et ils s’initient au TNI. Ainsi, quand ils ont des présentations orales à faire plus tard dans la session, certains utilisent le TNI pour dynamiser leur communication. Le TNI peut donc soutenir des stratégies d’apprentissage actif. Pour valoriser pleinement cet outil-là, je me permets de « perdre le contrôle de la classe » à l’occasion.
HD : Est-ce que l’impact du TNI sur leur motivation et leur attention dure dans le temps ou est-ce que l’effet « wow » s’effrite avec le temps?
Ici, une activité pédagogique croquée sur le vif : vocabulaire au TNI avec l'outil Mots entrecroisés du CCDMD.
NL : Je ne remarque pas de diminution d’intérêt chez mes étudiants à mesure que la session avance. Toutefois, je suis certaine que j’observerais une baisse de ses effets si je n’exploitais que cet outil comme stratégie ou si je faisais toujours la même chose avec le TNI. Je m’assure de varier les activités : livre numérique, exercices en ligne, activités de tri ou d’association, mots entrecroisés du CCDMD, etc. Tout ce qui est redondant perd vite de la valeur, que ce soit avec le TNI ou autre chose.
Il faut l’admettre, l’attrait du jeu a son effet. Quand on est plus éveillé, forcément on retient davantage d’information. On a aussi de plus en plus d’étudiants avec des troubles d’attention et de comportement, ils ont besoin d’être stimulés et de bouger et je crois que ces outils sont tout indiqués pour eux.
HD : Est-ce vraiment le TNI qui fait la différence, alors que plusieurs activités que tu mentionnes peuvent se faire avec l’ordinateur et la projection traditionnelle?
NL : Oui, c’est vrai que les étudiants pourraient utiliser la souris de l’ordinateur. Toutefois, le fait de manipuler les ressources directement au tableau avec le stylet (ou la fonction tactile) est plus motivant et efficace. Ils apprécient toucher concrètement et c’est aussi un défi pour eux. Ils sont avisés en début de session qu’ils auront à l’utiliser. Avec l’ordinateur traditionnel, ils finissent par se lasser. Mon but c’est de les faire participer. Ils ont parfois à faire des combats d’équipes et au besoin je les mets au défi de battre les performances du groupe précédent.
Quand on ouvre le TNI, c’est un peu comme ouvrir un PowerPoint; il y a de la couleur, des images, etc. Mais un PowerPoint, c’est un PowerPoint. C’est statique et l’on reste pris dans un discours linéaire. Avec le TNI, on a une foule de possibilités et l’on peut s’adapter à la situation! On peut faire des jeux, déplacer des objets, faire de l’écriture et ajouter des notes. C’est un outil très vaste et l’on peut varier les activités, même si l’on n’utilise que le TNI. Et quand on maitrise bien nos outils, on peut réagir à toute éventualité.
HD : Est-ce que l’arrivée des appareils mobiles comme la tablette tactile risque de te faire délaisser le TNI?
NL : Non, pas du tout. Ça peut être intéressant que les étudiants réalisent des activités sur une tablette ou un ordinateur portable, par exemple pour faire des travaux en équipe. Mais quand je veux l’attention de tout le monde et que mon objectif est de les faire bouger et venir en avant, c’est le TNI qui répond le mieux à ce besoin. C’est aussi le TNI qui me ressemble le plus pour passer les éléments théoriques. Je crois que chaque enseignant a ses préférences selon ses habitudes et sa personnalité et chacun des outils a ses avantages et ses inconvénients.
HD : Qu’est-ce que ça implique concrètement en matière de préparation, de temps de classe et de logistique?
NL : Au début, j’ai dû mettre un peu de temps pour comprendre, mais je le vois comme un investissement. On ne se sent pas complètement perdu, ça s’apprend bien. L’interface du logiciel ressemble à d’autres logiciels de bureautique qu’on connait déjà. J’ai visionné beaucoup de capsules vidéos sur la chaine YouTube Les TêtesActiv et sur Promethean Planet et chaque fois ça me donnait de nouvelles idées que je pouvais appliquer à mes contenus. J’avais du plaisir à consulter les capsules et à créer mon matériel. Pour moi, l’implication est équivalente à d’autres moyens. Si j’avais créé des diaporamas PowerPoint, des notes de cours ou d’autres types d’activités, j’aurais passé autant de temps, mais je n’aurais pas trouvé ça aussi amusant. Ce n’est pas un fardeau pour moi. La seule déception que j’ai eue, c’est que les exemples sur Internet sont surtout de niveau primaire-secondaire, il y a peu de matériel pour le collégial pour le moment.
Ça prend aussi un peu de temps à s’habituer à l’environnement technique, mais l’on a tout le soutien nécessaire du Carrefour TIC et on finit par rapidement intégrer la logistique dans notre routine. Ça peut être insécurisant au début, mais on devient vite autonome, même pour quelqu’un comme moi qui n’est pas une pro des technologies.
HD : As-tu pensé à d’autres contextes d’utilisation du TNI dans le futur? As-tu d’autres projets?
NL : J’aimerais développer de nouvelles stratégies pour mon cours d’hiver de « Relation infirmière-client » qui est un cours axé davantage sur la communication. Je pourrais utiliser les vidéos de simulations produites par mes étudiants et exploiter le potentiel du TNI pour capturer, décortiquer et annoter les séquences à analyser. Il y a tellement de choses qu’on peut faire avec cet outil-là, je suis persuadée que je ne connais pas le centième des possibilités. C’est un moyen de transport des connaissances parmi d’autres. Pour moi, il faut que l’étudiant bouge et que l’étudiant se sente intégré dans le processus.
D’ailleurs, je vois un potentiel immense pour les laboratoires. Je ne donne pas ces cours, mais puisque les étudiants ont déjà connu le TNI avec moi en première session, je souhaite m’impliquer pour développer du matériel. On a un TNI dans notre centre d’aide et je rêve du jour où ils pourront l’exploiter au maximum avec des activités pensées pour eux. D’ailleurs, quand les étudiants ont vu le TNI dans le centre d’aide, certains m’ont demandé des activités pour pratiquer des méthodes de soins. Ils ont entre autres besoin de développer certaines notions de mathématiques à l’aide d’études de cas avant d’aller soigner des patients. Je cherche à développer par exemple des activités interactives où l’étudiant manipule des seringues, des quantités de médicaments et des parties du corps.
On souhaite aussi améliorer un outil qu’on vient de se procurer pour nos olympiades. La structure du jeu est déjà faite, il ne reste qu’à ajouter nos questions et c’est très bien fait. Mais il y a très certainement place à plus d’interactivité et d’efficacité avec le TNI, les télévoteurs et les tablettes tactiles. Jouer à « Fais-moi un dessin » sur un « flipchart » beige à stylos-feutres ça fonctionne, mais avec un outil technologique avec lequel on projette des contenus à l’écran, ce serait tellement plus amusant et efficace!
HD : Si je comprends bien, tu es un peu l’agent multiplicateur dans ton département?
NL : Oui, en quelque sorte. J’aimerais qu’on soit plusieurs dans le département à collaborer pour multiplier les idées et développer du matériel. Quelques enseignantes ont commencé à l’utiliser en classe. Je pense entre autres aux deux semaines de théorie intensive avant le départ en stage, je crois qu’il y a un potentiel à explorer.
HD : Je vois que le TNI est devenu un outil essentiel pour toi. Pourrais-tu t’en passer?
NL : Je m’ennuierais beaucoup si je n’avais pas de TNI, surtout pour mon cours d’automne. Déjà, je pense à mon cours d’hiver où j’utilise beaucoup moins d’activités interactives et d’outils et je me trouve plus ennuyante. Si l’on m’annonçait que je n’avais pas de TNI pour mon cours d’automne, j’aurais l’impression d’avoir à réanimer mes étudiants. Je serais mal prise, j’y tiens absolument.
HD : Super! Je constate à quel point le tableau interactif est maintenant bien ancré dans ta pratique et qu’il est une grande source de motivation pour toi. Je te remercie Nicole d’avoir partagé avec nous ton expérience.
Si l’interactivité et l’efficacité en classe vous intéressent, surveillez attentivement la publication des billets portant sur cette thématique et profitez des formations qui vous sont offertes régulièrement!
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