Le travail en équipe peut prendre plusieurs formes : apprentissage coopératif, groupe de discussion, équipe de projet, enseignement par les pairs, équipe de laboratoire, etc. Au cours des dernières années, les travaux d’équipe ont souvent fait l’objet des demandes de conseils pédagogiques. Bien que la littérature sur le sujet soit plutôt généreuse, les expériences vécues apportent souvent leur lot de déceptions, en partie attribuable au caractère imprévisible de cette formule pédagogique. Pour réfléchir ensemble sur le sujet, nous vous proposons quelques considérations apportées par divers auteurs quant au rôle précis du pédagogue dans ce contexte scolaire et de l’élève du collégial. En terminant, nous sollicitons votre avis face à deux sujets qui pourront enrichir les échanges.

Compétence essentielle

Le travail d’équipe constitue une formule pédagogique pertinente, voire même indispensable pour permettre aux élèves de développer une des compétences de base requises dans l’exercice de la majorité des professions et des métiers. Dans ce sens, cet argument milite en faveur d’une attention particulière portée par l’enseignant, entre autres au moment de l’évaluation, sur la façon dont travaillent ses élèves en équipe (un billet sera consacré prochainement au volet de l’évaluation des travaux d’équipe).

Avantages de ce choix pédagogique

Sur le plan des apprentissages, cette formule pédagogique présente une foule d’avantages, dont :

  • permettre à l’élève de jouer un rôle actif en prenant lui-même en charge ses apprentissages;
  • « activer » le climat dans la classe;
  • mener des travaux et des projets plus substantiels;
  • enrichir la discussion et la réflexion des élèves autour d’un sujet donné;
  • développer des habiletés de communication;
  • améliorer la capacité d’analyse et de résolution de problèmes;
  • mettre à profit de nombreux éléments de savoir-être, etc.

En effet, les attitudes exigées pour contribuer efficacement aux résultats d’une équipe de travail sont nombreuses : apprendre à écouter activement, observer, négocier et défendre son point de vue, raffiner son argumentation, résoudre des problèmes portant autant sur le contenu que sur les relations humaines, et finalement, accepter de vivre une situation d’interdépendance.

Ces habiletés n’ayant souvent pas été développées de façon systématique au cours des études secondaires, une formation préparatoire au travail en équipe scolaire dès la première session du collégial est plus que nécessaire. Il peut s’agir d’une activité ponctuelle  d’une ou deux heures, complétée par le biais de la supervision du travail et du fonctionnement de l’équipe en cours de route. Ainsi, comme le souligne J. Proulx (2009), pour que cette méthode d’apprentissage soit réellement utile aux apprenants, « il ne faut pas seulement l’utiliser, il faut l’enseigner! »

Enseigner cette compétence

Pour s’outiller concrètement, le chapitre traitant du travail d’équipe du Guide méthodologique pour les études et la recherche, POUR RÉUSSIR de B. Dionne (2013) peut s’avérer une source de choix pour accompagner les élèves dans la planification du travail, l’établissement de relations efficaces et harmonieuses, la sélection d’outils de communication électroniques, la réalisation du produit final et du bilan, en plus de traiter des techniques d’animation de réunions et des compétences personnelles et interpersonnelles indispensables à l’efficacité d’une équipe.

Évidemment, un groupe de 3e année requiert moins d’encadrement qu’un groupe de première année. Pour les élèves de 2e et 3e années, même si le sujet a été étudié dans un cours précédent le vôtre, il peut être opportun de rappeler l’importance de certaines attitudes à la lumière des difficultés rencontrées par vos élèves lors de travaux d’équipe précédents. Il importe toutefois de se rappeler que la meilleure préparation du monde n’empêchera pas une équipe d’être dysfonctionnelle et qu’une première expérience évaluée de façon formative est souhaitable.

Rôle de l’enseignant

Le contexte pédagogique relationnel associé au travail d’équipe pose inévitablement des défis différents aux enseignants, qui jouent davantage un rôleconseil.  Ce choix pédagogique exige de l’enseignant diverses habiletés d’encadrement en classe et en dehors de la classe à chaque étape du processus, dont :

  1. identifier les objectifs d’apprentissage;
  2. mettre en place des balises pour la création d’équipes fonctionnelles,
  3. voir à l’adoption et au partage d’une cible commune dans les apprentissages à réaliser;
  4. présenter les conditions d’efficacité du travail en groupe (la préparation d’un « contrat » distribué à chaque équipe et signé par chaque membre peut faciliter le suivi du fonctionnement des équipes);
  5. créer des conditions propices à la coopération, au maintien d’une atmosphère chaleureuse où chacun se sentira à l’aise de partager ses idées sans crainte d’être ridiculisé;
  6. guider, stimuler et encourager l’ensemble des individus à participer aux discussions, à s’écouter attentivement et à se poser mutuellement des questions ouvertes et réfléchies;
  7. favoriser le développement d’habiletés interpersonnelles;
  8. augmenter la productivité en misant sur la coopération intragroupe,  et si possible, sur une compétition intergroupe saine et modérée;
  9. suivre la progression des travaux à l’aide d’échéancier, de compte-rendu de réunion, d’un journal de bord, de forums de discussions ou de portfolio électronique avec questions structurées:
  10. circuler fréquemment entre les groupes pour vous tenir disponible aux élèves et informé de leur fonctionnement, et ce, sans négliger aucune équipe;
  11. soutenir les élèves dans la résolution de problèmes de fonctionnement ou relationnels;
  12. arbitrer les conflits à titre de médiateur, et en cas de dérapage;
  13. « prendre les rênes», si la situation ne s’améliore pas (il est délicat pour les élèves d’intervenir en termes « disciplinaires » auprès de leurs coéquipiers ; les élèves comptent sur vous pour l’exercice de cette responsabilité).  Si le comportement perturbateur de l’élève fautif persiste, l’exclusion de celui-ci dans tout travail d’équipe et les conséquences sur l’évaluation du travail seront à envisager.

Toutes ces interventions nécessitent donc au préalable une planification et une préparation rigoureuse; le travail d’équipe ne s’improvise pas!  Elles font également appel à des aspects du rôle d’animateur, de superviseur, de facilitateur, de médiateur, d’observateur et de contrôleur de l’enseignant.

Composition des équipes

Concernant la composition des équipes, diverses approches ont cours. Équipe imposée par l’enseignant ou créée par le hasard, plusieurs positions divergent sur les pour et les contre de tels choix.  En effet, selon Jacobs (entrevue réalisée par Duchesne (2008), il semble qu’au collégial un minimum de 4 à 6 élèves assure la polyvalence des acquis, des stratégies cognitives utilisées et des points de vue. En ce sens, une certaine hétérogénéité devrait être favorisée.

À l’instar de Jacobs, Aylwin (1996) est d’avis que les équipes hétérogènes sont plus efficaces et qu’en général le nombre de 4 permet un meilleur fonctionnement dans les équipes, puisque le nombre pair prévient l’exclusion d’un tiers.

D’autre part,  selon Proulx (2010) les équipes homogènes (affinités communes) sont plus efficaces et elles ne devraient pas compter plus de 5 membres, 3 étant le nombre idéal.   Avant de choisir un mode de regroupement, il est alors pertinent de se questionner sur le genre d’équipe qui permettra d’atteindre simultanément le plus grand nombre d’objectifs d’apprentissage fixés par le travail ou le projet.

Les équipes homogènes apportent un confort affectif aux membres, et présente bien sûr, un temps d’adaptation interpersonnelle moins long. Par ailleurs, les équipes hétérogènes amènent souvent moins de situations d’indiscipline, tout en évitant de laisser pour compte des élèves dans la formation des équipes.  Face à ce mode regroupement, il faut insister davantage sur l’importance de la collaboration et montrer plus de patience à l’étape du démarrage.

En guise de conclusion

Il est intéressant de rappeler que même si l’utilisation des travaux d’équipe n’est pas une pratique nouvelle et qu’elle est présente depuis l’école primaire, les qualités attendues chez les collégiens posent maintenant plus de défis qu’auparavant.  Ainsi, notre expérience  nous permet d’affirmer qu’ils travaillent plus à l’extérieur, donc ils ont moins de disponibilités communes avec leurs collègues de classe et qu’ils sont plus individualistes, donc moins interpellés par le besoin de solidarité ou de réussite collective. Par contre, comme leurs prédécesseurs, tel qu’avancé par Proulx (2010), ils accordent de l’importance à la réussite de leurs études, ils ont besoin de valorisation et d’encadrement, en plus d’être en transition en termes de développement de leur autonomie et de l’apprentissage de l’autodiscipline.

 Consultation

Quelle sont vos réactions face à ce texte?

Dites-nous quel est ou quels sont vos modes de regroupement privilégiés pour la composition des équipes et pourquoi?

Quels sont vos besoins de formation liés aux équipes de travail?

_____________________________________________________________________________________________________________________

RÉFÉRENCES

Aylwin, A. (1996) La différence qui fait la différence… ou l’art de réussir dans l’enseignement, Association de pédagogie collégiale, Montréal

Brosseau, J. et Ouellet, L. (2005) Guide d’appropriation de l’apprentissage par problèmes. Comment organiser le travail d’équipe? Récupéré le 05 janvier 2014 de http://app.cegep-ste-foy.qc.ca

Duchesne, G. (2008, été). ___ Expérimenter le travail d’équipe: les clés de la réussite. Pédagogie collégiale, AQPC, 31-33.

Dionne, B. (2013). Pour réussir. Guide méthodologique pour les études et la recherche, (6e éd.) Montréal : Chenelière Éducation.

Jacques, J. et Jacques, P. (2004). Le petit guide du travail en équipe gagnant. Anjou : Éditions St-Martin.

Proulx, J. (2009).Enseigner _ Réalité, réflexions et pratiques. Trois-Rivières: Cégep de Trois-Rivières.

Proulx, J. (1999). Le travail en équipe. Ste-Foy : Presses de l’Université du Québec.