Entrevue avec Julie Dehin Enseignante, Arts & Lettres
Vous avez, par le passé, expérimenté le contrat de classe comme outil de gestion de classe.
Qu’est-ce qui vous a motivée à mettre en place et d’appliquer cette stratégie de gestion de classe?
L’idée m’a été donnée lors d’un cours du MIFIEC à l’Université de Sherbrooke. À ma première session, en tant que nouvelle enseignante au cégep, je ne savais pas à quoi m’attendre en termes de discipline à faire avec les étudiants. Je n’étais pas à l’aise avec le fait de commencer mon premier cours en leur énumérant ce que je n’accepterais pas (retard, cellulaire, manque de respect, etc.) et les conséquences liées à leurs manquements. Je trouvais que cela manquait un peu de souplesse… L’idée du contrat de classe me semblait plus motivante, puisque les étudiants pourraient eux-mêmes identifier les comportements à bannir et les conséquences s’y rapportant.
Cette pratique s’applique-t-elle à tous les étudiants?
Après quelques sessions à enseigner au collégial, je réalise maintenant que les cas de discipline sont en fait assez rares et peuvent très bien se régler au cas par cas. Ainsi, je n’applique plus cette stratégie dans mes cours. Par contre, si j’avais à le refaire, je privilégierais les étudiants de première session. Ils doivent, en sortant du secondaire, apprendre progressivement à s’ « autodiscipliner » et le contrat de classe en première session pourrait être un premier pas dans cette voie.
Comment procédiez-vous pour rédiger le contrat de classe?
Je commençais par lire avec eux les règlements de la politique départementale en disant que nous y étions tous soumis. Ensuite, je leur disais que nous devions aussi nous doter de règlements à l’intérieur même de la classe pour assurer un climat agréable pour tous. Je présentais le contrat de classe à faire comme une œuvre collaborative. Comme chacun aurait participé à sa collaboration, chacun devrait s’y soumettre de bonne grâce.
Ensuite, je traçais quatre colonnes au tableau intitulées respectivement :
- Thèmes
- Comportements acceptables
- Comportements inacceptables
- Conséquences
Puis, je demandais aux étudiants de trouver des thèmes qui pourraient faire partie de notre contrat de classe (ex : ponctualité, respect, nourriture, cellulaire, bruit, etc.). Pour chacun de ces thèmes, nous nous mettions d’accord sur le comportement à adopter, sur des comportements inacceptables et sur les conséquences liées à ces derniers. Je leur donnais des exemples de conséquences trouvées par mes autres groupes (chanter une chanson, procès, etc.).
J’encourageais également les étudiants à créer des thèmes me concernant ( « Une bonne prof, c’est quoi? »).
La fin de la rédaction du contrat coïncidait avec la pause ; je profitais de celle-ci pour avoir le temps de recopier rapidement le contenu de notre contrat. Avant le cours suivant, je tapais le contrat dans Word et le mettais sur Léa. J’en imprimais aussi une copie sur un carton de couleur pour le laisser en vue sur le coin de mon bureau tout au long de la session.
Comment le contrat de classe était-il utilisé en cours de session?
Le contrat de classe m’a surtout permis de gérer le manque de ponctualité de certains étudiants. Lorsqu’un étudiant arrivait en retard, toute la classe me rappelait que je devais le noter, puisque la conséquence ne venait qu’après 3 retards. Les retardataires fréquents se faisaient surveiller étroitement : on me demandait à combien de retard ils en étaient. Finalement, un seul étudiant s’est rendu à trois retards. Il a dû choisir entre un procès (pour déterminer si la cause de son retard était valable) ou une chanson à inventer et à chanter sur un thème choisi par la classe. Nous avons eu droit à une ode au jambon!
Quels sont les avantages de rédiger un contrat de classe?
Les étudiants se sentent impliqués, je crois. Cela crée aussi des moments cocasses qui rendent l’ambiance de classe très agréable pour les étudiants et pour l’enseignante. Une étudiante m’a aussi dit que la « peur de devoir chanter » les entraînait à être plus consciencieux pour ce qui était du manque de ponctualité.
L’autre avantage est que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les étudiants sont souvent plus sévères que nous ne l’aurions été nous-mêmes!
Y a-t-il des inconvénients?
J’ai tenté l’expérience dans un groupe de deuxième session. Bien que cela ait très bien fonctionné avec la majorité, j’ai une étudiante d’une trentaine d’années qui m’a demandé quelle était la pertinence d’un tel exercice. Elle a affirmé que chacun était adulte et que personne n’avait besoin d’un contrat pour se comporter de façon adéquate.
Je lui ai répondu que même dans les milieux adultes existaient des codes de civilités et que cela permettait simplement qu’il n’y ait pas d’abus par certains, susceptibles de brimer les autres.
Cela dit, mon expérience avec différents groupes m’a fait voir que la discipline à faire est plutôt rare et gagne à être ciblée, plutôt que généralisée. Ainsi, a posteriori, je dois avouer que cette étudiante n’avait pas tout à fait tort… J
Auriez-vous vous quelques conseils à formuler aux enseignants qui souhaiteraient mettre en place cette pratique?
Je pense que ce type de stratégie convient mieux aux étudiants de première session qu’aux autres. De plus, je crois que cela est surtout pertinent pour des professeurs éprouvant des difficultés en discipline ou manquant parfois de confiance à cet égard, comme c’était mon cas à ma première année d’enseignement.
Cela dit, tenter l’expérience demande peu de temps. Ainsi, je conseillerais aux intéressés d’essayer cette stratégie une fois et de voir eux-mêmes la pertinence ou non de la reprendre de session en session.
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